Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Ma main au feu
15 septembre 2022

Chocs de financement des banques et réallocation du crédit

Les banques en Belgique ont pris des décisions de prêt stratégiques après le gel du marché du financement interbancaire en septembre 2008. Cette chronique utilise des combinaisons de banques et d'entreprises pour montrer que les banques ont réalloué les crédits aux secteurs où elles peuvent plus facilement extraire des rentes ou dans lesquels elles ont un avantage informationnel, ou aux entreprises à faible risque.
La faillite de Lehman Brothers en septembre 2008 a constitué un choc sans précédent pour les possibilités de financement des banques. Les banques ont transmis ce choc de financement à leurs emprunteurs, mais pas nécessairement de manière homogène. Par exemple, plusieurs articles indiquent qu'il y avait une hétérogénéité significative dans les décisions de réallocation géographique des banques (par exemple, De Haas et Van Horen 2012, Giannetti et Laeven 2012). Dans cette colonne, nous étudions un type différent de réallocation, en fournissant une analyse complète et détaillée de la réallocation que les banques belges ont poursuivie entre les secteurs et les entreprises.
Les banques opérant en Belgique se sont largement appuyées sur le marché interbancaire pour leur financement. Comme le montre la figure 1, le volume total du financement interbancaire des banques actives en Belgique était supérieur à 500 milliards d'euros en août 2008 ; un an plus tard, plus de la moitié de ce financement s'était asséché. Cet assèchement a été significatif pour les banques et les entreprises actives en Belgique. L'entreprise moyenne en Belgique a emprunté à une banque pour laquelle cette sortie de financement interbancaire représentait 10 % de ses actifs totaux.
Pour identifier la réallocation de l'offre de crédit suite à ces problèmes de financement, nous utilisons 160.223 combinaisons banque-entreprise entièrement documentées. Nous combinons des données mensuelles au niveau banque-entreprise provenant d'un registre de crédit complet qui contient tous les crédits accordés en Belgique par toutes les institutions financières, les bilans mensuels de ces institutions financières et les bilans annuels de toutes les entreprises enregistrées. La richesse de nos données nous permet d'étudier diverses mesures de la croissance du crédit et permet de dissocier l'offre et la demande de crédit. Ce dernier point est réalisé en saturant les spécifications correspondantes de la croissance des crédits avec un ensemble complet d'effets fixes afin de contrôler la demande de crédit (Khwaja et Mian 2008, Jimenez et al. 2017).
Crédit manquant
Outre l'effet moyen, la figure 2 illustre également l'effet hétérogène d'une sortie de fonds interbancaires de 10%. Plus précisément, la figure montre l'effet pour chaque combinaison de part de marché du secteur bancaire élevée/faible et de spécialisation du secteur bancaire élevée/faible, ainsi qu'une addition avec un levier d'entreprise élevé/faible. Élevé (faible) est défini comme la moyenne plus (moins) un écart-type. Lorsque le choc de financement augmente le coût marginal du prêt, les banques commencent à préférer leurs emprunteurs inframarginaux à leurs emprunteurs marginaux. Nous identifions les emprunteurs marginaux selon trois axes différents. Premièrement, nous montrons que les banques sont, en moyenne, en mesure d'imposer des taux d'intérêt relativement plus élevés aux entreprises lorsqu'elles détiennent une part de marché élevée dans le secteur dans lequel l'entreprise opère. Deuxièmement, nous montrons que relativement moins d'entreprises font faillite dans le portefeuille sectoriel d'une banque si cette dernière est spécialisée dans les prêts à ce secteur. Enfin, nous considérons également plusieurs mesures du risque de l'entreprise.
Notre analyse indique que, par rapport à l'effet moyen, l'impact du choc de financement est 24% plus faible pour les entreprises qui empruntent à des banques qui ont une part de marché élevée et une forte spécialisation dans le secteur de l'entreprise (soit un effet sur la croissance du crédit de -3,13 points de pourcentage). L'inverse est vrai pour les entreprises empruntant à des banques ayant une faible part de marché et une faible spécialisation ; elles subissent un choc de financement plus important que la moyenne, avec un effet sur la croissance des crédits de -5,15 points de pourcentage. Par conséquent, les banques dirigent leur attention vers les secteurs où elles peuvent plus facilement extraire des rentes (part de marché sectorielle plus élevée) ou où elles ont acquis des connaissances supérieures (spécialisation sectorielle plus élevée).
La différence devient encore plus prononcée lorsque l'on tient compte de la prise de risque des entreprises (dans cet exemple, représentée par l'effet de levier). L'impact du choc de financement est plus de deux fois plus important pour les entreprises risquées empruntant auprès de banques ayant une faible part de marché et une faible spécialisation dans le secteur de l'entreprise (-5,62 points de pourcentage) par rapport aux entreprises sûres empruntant auprès de banques ayant une part de marché élevée et une forte spécialisation dans le secteur de l'entreprise (-2,66 points de pourcentage). Cela suggère qu'il existe un effet de fuite vers la qualité qui coexiste avec les deux effets de réallocation susmentionnés. Cela est conforme aux conclusions de, par exemple, Liberti et Sturgess (2018), qui montrent que la composition des emprunteurs se déplace vers des entreprises plus grandes et moins risquées lors d'un choc d'offre de crédit.
Du côté réel, nous constatons une réduction modérée des investissements pour les entreprises qui empruntent auprès de banques plus durement touchées par le choc de financement, mais cette réduction est moins prononcée pour les entreprises lorsque leur banque détient une part de marché sectorielle élevée.
Implications politiques
Dans l'ensemble, nos résultats fournissent des informations utiles aux décideurs politiques qui cherchent à garantir l'accès des entreprises au financement en temps de crise, car nous montrons que les entreprises plus risquées et les entreprises qui empruntent à des banques dont la part de marché sectorielle et la spécialisation sont faibles sont plus vulnérables aux chocs du secteur bancaire. Dans le même ordre d'idées, les entreprises peuvent préférer s'apparier avec des banques ayant une plus grande part de marché sectorielle. Bien que cela implique un coût d'emprunt plus élevé, cela agit également comme une prime d'assurance qui garantit l'accès au financement lorsque la banque est confrontée à un choc de financement. Nos résultats sont également intéressants pour les régulateurs bancaires, car ils révèlent une vision claire de la concentration des prêts en période de crise.

Publicité
Publicité
Commentaires
Ma main au feu
Publicité
Publicité