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Ma main au feu
18 mai 2016

Traquer l'argent du terrorisme

Les dirigeants des pays riches réunis en Turquie veulent assécher les flux financiers. Pas facile dans le cas de l'Etat islamique. Comment traquer l'argent du terrorisme ? Dons, contrebande de pétrole, extorsions de fonds, pillage de monuments historiques, reventes d’œuvres d’art, enlèvements… Les soldats d’Allah le savent: l’argent est le nerf de la guerre sainte. Les attentats de Paris ont donné une nouvelle résonance internationale à la question du financement du terrorisme. «Nous demandons au Gafi (Groupe d’action financière)de faire un rapport aux ministres des Finances (du G20) lors de leur première réunion en 2016 sur les progrès faits par les Etats pour corriger les faiblesses en matière d’assèchement des flux de financement liés au terrorisme», ont écrit les dirigeants des vingt premières puissances économiques mondiales dans le communiqué concluant leur sommet d’Antalya (Turquie), ce lundi. Pour le ministre français des Finances Michel Sapin, présent au G20, aux côtés du chef de la diplomatie Laurent Fabius, de nouvelles règles pour faire face au financement du terrorisme sont indispensables pour resserrer les «mailles du filet». Pour que ces belles paroles trouvent une traduction dans les faits, il fallait désigner une institution capable de piloter et coordonner un tel programme au niveau mondial. Les représentants des vingt pays les plus riches de la planète ont décidé de placer le Gafi ou Financial Action Task Force (FATF) en tête du dispositif de lutte contre le financement du terrorisme. Ce mécanisme intergouvernemental (qui ne compte que 35 pays) a été créé en 1989 lors d’un sommet à Paris pour lutter contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme (déjà). «Le modèle de financement de Daech est unique au monde» Certes, tous semblent d’accord pour doper les moyens du Gafi, y compris l’Arabie Saoudite pourtant soupçonnée d’un grand laxisme financier et de financements indirects de certains groupes terroristes. Mais les résultats sont loin d’être garantis. Pour Jean-Charles Brisard, spécialiste du financement du terrorisme, cela ne fait aucun doute: «Le modèle de financement de Daech est unique au monde. La nébuleuse Al-Qaeda avait besoin de financement extérieur, de transferts de fonds, du circuit bancaire classique, de fausses entreprises domiciliées dans des paradis fiscaux…C’était relativement facile d’avoir une traçabilité de l’argent et de bloquer des comptes. Daech est dans une position qui n’a rien à voir. Elle est sur un territoire qui regorge de matières premières…» En financier avisé, l’Etat islamique (EI) n’a cessé de diversifier ses sources de financement. Chaque jour, le pétrole extrait des champs de Syrie et d’Irak est revendu au marché noir et lui rapporte jusqu’à un million de dollars selon les renseignements américains, soit l’équivalent de près de 50 000 barils par jour. Les Etats-Unis, mais aussi la France ont souvent accusé la Turquie de fermer les yeux sur des intermédiaires locaux qui se chargent de la revente de ce pétrole au noir. Mais de trace monétaire, rien. «Pas la moindre trace, confie un haut fonctionnaire, alors qu’on sait pertinemment qu’une partie du pétrole extrait sur le territoire syrien occupé par Daech prend la route de la Turquie et que le baril de pétrole dépasse rarement les 30 dollars», bien en dessous du cours officiel. Un budget diversifié Au plus fort de la contrebande d’or noir en provenance de la vingtaine de puits, lorsque la demande devient forte, des centaines de camions sillonnent chaque jour les routes des territoires conquis. Cette gigantesque mafia est allée jusqu’à revendre le pétrole au gouvernement syrien. Aux principaux barrages routiers, en Irak ou en Syrie, ces camions, qu’ils transportent du pétrole ou d’autres marchandises, doivent s’acquitter de taxes de route pouvant aller jusqu’à 400 dollars. Au nord de l’Irak, cette taxe peut même atteindre 800 dollars. «Le modèle économique de Daech est autosuffisant, et c’est ce qui le rend unique au monde. Son économie est basée sur le pillage», relève Jean-Charles Brisard. De quoi se vanter d’avoir un budget annuel de près de trois milliards. Un chiffre que ne démentent pas la plupart des experts. Il y a le pétrole, certes. Mais sa part ne cesse de baisser dans les recettes de l’Etat islamique. Difficile donc pour le Gafi de couper le robinet, car l’EI ne cesse de diversifier ses sources financières. Le pétrole ne représenterait plus que 25% des recettes. Les autres ressources naturelles (gaz, coton, phosphate et blé), assurent 35% des revenus. Le reste -60%- provient de ressources dites criminelles: le trafic des antiquités en provenance par exemple du musée de Mossoul ou des églises pillées. Le pillage de la banque centrale à Mossoul aurait rapporté près de 500 millions de dollars. Sans compter les dizaines de millions de dollars récupérés grâce au business des enlèvements de personnes. Les taxes et les extorsions de fonds imposées aux populations locales. «L’économie de Daech est entièrement fondée sur le cash et il fait tourner une économie sur un territoire grand comme le Royaume-Uni, explique un haut fonctionnaire français. D’où la difficulté que connaissent les Occidentaux pour stopper ces flux d’argent interne.» Certes, un Gafi mieux armé pour traquer les déplacements de flux monétaires liés au terrorisme serait d’une grande utilité. Mais le sera-t-il au point d’empêcher qu’une bombe puisse se vendre 500 dollars, pour ensuite la faire exploser en plein marathon, comme à Boston en mai 2013?

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